Un Long Dimanche de fiançailles, un vrai coup de coeur

by Toilissime on décembre 5, 2011
Un Long Dimanche de Fillançailles, un film de Jean Pierre Jeunet

Un Long Dimanche de Fillançailles, un film de Jean Pierre Jeunet

Un peu plus de trois ans après le succès sans précédent d’Amélie Poulain, Jeunet et Audrey Tautou se retrouvent pour l’adaptation du roman de Sébastien Japrisot « Un long dimanche de fiançailles ».  Ce film raconte l’histoire de Mathilde (Tautou), une jeune femme qui a perdu son fiancé Manech (Gaspard Ulliel) lors de la première guerre mondiale. Elle se refuse à admettre sa mort tant qu’elle n’en aura pas connu les vraies circonstances. C’est le début d’une formidable quête.

« Un long dimanche… » est avant tout une formidable réussite esthétique. Le film, comme souvent chez Jeunet, est en effet dans des coloris crème et beiges magnifique. On sent vraiment qu’un soin minutieux a été apporté au moindre minuscule détail, que chaque centime du pourtant plus gros budget français de l’année a servi à aménager un décor, à confectionner un costume. Jeunet réussi le tour de force de recréer sous nos yeux la France des années 1920, avec un réalisme teinté de fantaisie qui donne au film un charme indéniable. Parallèlement à ça, il reconstitue aussi la guerre. La grande guerre, celle de 14, des tranchées et de la boue, de la vermine et de l’horreur. Est-ce qu’un film était arrivé par le passé à un tel degré de fidélité vis à vis de l’histoire ? Est-ce qu’un réalisateur avait déjà filmé la guerre des tranchées avec un tel réalisme ? Sans doute pas. Jeunet nous montre des tranchées, des batailles… On prend alors la pleine mesure du malheur des poilus.

Le film est une adaptation somme toute très fidèle du livre. Même si de nombreuses choses sont omises ou modifiées, il s’agit là de détails qui ne remettent pas en couse la trame narrative, impeccablement retranscrite. En fait, la seule réelle modification apportée au livre concerne le personnage de Mathilde. Personnellement, ayant lu le roman, je ne l’imaginait pas comme ça du tout. Lorsque j’avais appris qu’Audrey Tautou tiendrait le rôle, je m’était étonné, indigné : pas assez décidé, trop timide, pas assez volontaire, trop émerveillée, pas assez ceci, trop cela… En fait, dans mon esprit, Audrey Tautou était prisonnière d’Amélie Poulain. Et puis, au fil des minutes, on oublie, et on voit l’actrice composer un personnage, certes différent de la Mathilde de Japrisot, mais pas dénué de sens pour autant, et finalement convaincante.

Et puis, surtout, le vrai charme du film, ce sont les seconds rôles (et il sont pléthore). Cela va du facteur qui évoque immanquablement l’univers de Tati (Jean-Paul Rouve) à l’ancien poilu, génial pour ce qui est de trouver de la nourriture (Albert Dupontel). L’opposition entre les deux formidables cabotins que sont André Dussolier (qui incarne ici un avocat) et Ticky Holgado (qui interprète un détective « pire que la fouine ») est des plus savoureuse. Gaspard Ulliel, déjà vu dans « Embrassez qui vous voudrez » et « Les Egarés » est ici un jeune poilu, le Bleuet, qu’il campe avec un naturel désarmant. Sinon, comme souvent chez Jeunet, on retrouve Jean-Claude Dreyfus (qui connaîtra un sort peu enviable), très mignon dans son bain, au cours d’une séquence amusante; et évidemment, le grand complice, Dominique Pinon, toujours fidèle au poste, dans le rôle de l’oncle de Mathilde, râleur, ronchon, mais bon fond.

Tous ces personnages font rire, ce qui est plutôt inattendu, de la part d’un film traitant d’un tel sujet. En fait, « Un long dimanche… » est un film sérieux fourmillant de facéties, d’humour. Et cet humour pourrait jouer au détriment de ce qui quand même le vecteur principal du film : l’émotion, la gravité. Mais c’est compter sans la talent de trois fantastiques acteurs qui donnent du sérieux, du crédit au film. D’abord, Jodie Foster, dans un français impeccable (tout juste y décèle-t-on ici et là une pointe d’accent), dans le rôle de la veuve d’un poilu apporte la tristesse d’une femme contrainte à l’adultère par amour pour son mari. Ensuite, Marion Cotillard fait irruption dans le film. Elle incarne Tina Lombardi, la veuve d’un autre soldat. Machiavélique femme fatale, elle glace le spectateur à chaque (meurtrière) apparition (Jeunet s’est manifestement bien amusé à imaginer les mécanismes). Sa présence apporte gravité et sérieux à un film qui semblait jusque là léger.

Enfin, Clovis Cornillac écrase littéralement la fin du film. Il joue Benoit Notre Dame, un poilu. Ca, c’est un acteur ! Il dégage une réelle force, une aura que peu ont. Vraiment, il impose son personnage grave au film, qui bascule dans une autre dimension. Son interprétation de grande classe montre une nouvelle facette de son immense talent. Pour résumer, « Un long dimanche de fiançailles » est un excellent film. Sans doute pas LE film, mais une œuvre plus qu’intéressante qui mérite d’être vue par le plus de monde possible.

One Response to “Un Long Dimanche de fiançailles, un vrai coup de coeur”

  • BabyJane says:

    Encore une merveille signée Jeunet ! Je redoutais une Amélie Poulain projetée en arrière, lors de la Grande Guerre … et il n’en est rien. Mathilde a pris beaucoup d’épaisseur, de complexité. C’est la lointaine cousine d’Amélie, même si son romantisme est toujours d’actualité. Ce film de JPJ est magnifique à plus d’un titre :
    – la mise en scène et le montage sont exemplaires : on croirait souvent ouvrir un délicieux livre d’histoire
    – l’interprétation est irréprochable (magnifiques Foster, Neuwirth, Dreyfus, Dupontel, Karyo)
    – l’esthétisme des images est prodigieux, jusque dans les scènes de combat et de tranchées, rendues à la perfection
    – le scénario est très bien agencéCe film est émouvant, sincère, drôle sans être lourd, poignant sans être mièvre, tous les dosages sont équilibrés.
    Une oeuvre splendide, à recommander vivement.